Cheerleader 69 – Ghostriders in the sky (2006 ; LP Steelwork Machine ; 10 titres ; 41 min.)
On embarque, premier morceau et décollage imminent avec Your book is full of killings, marqué par la voix d'un speaker américain répétant la phrase du titre et des évolutions de cordes angoissantes très bien spatialisées. Si Crystal Sierra fait penser à du Moelvaer, en mieux, Bad tapes, via le charme d'un flûtiau puis d'une rythmique industrielle impeccable, nous a fait auparavant pénétrer au deux-tiers dans un monde déjà plus inquiétant, proche des bandes originales d'Eric Demarsan, sensation malheureusement un peu atténuée par la grandiloquence de Ghostriders in the sky, dans un registre dark-folk orchestral, un peu ampoulé et au final hélas gentillet (c'est un problème récurrent avec cette mouvance, qui ne se joue à pas grand-chose mais qui existe objectivement). Idem pour Number 17 aux harmonies bien travaillées, cette montée sourde peu rassurante est parsemée d'un son de gamelan synthétique dont l'évolution n'est mélodiquement pas extraordinaire. On lui préférera ces transpercements de sonorités inversées qui forment les zébrures de Radio Apocalypse où l'on plonge en effet vers le nulle part d'un futur à bout de souffle, exsangue avant que ne scintillent les notes sereines des deux minutes finales (presque dommage qu'il y ait ce court moment avec le timbre de corde frappée au milieu, sorti tout droit d'un Delon des années 70...). Le parcours se poursuit sous la nuée grise et c'est la mélancolie qui baigne Privièt tibie (hurrah) où un Russe (communiste ?) nous donne du « tovaritch » à plusieurs reprises tandis que, sur cette très belle plage, tombe la neige ainsi que sur l'orateur et son public. Plus alerte est Simstim Christ, une mise en marche sur fond de voix bulgares priant (je crois entendre Jesu, peut-être est-ce une illusion auditive) un Christ « neuromancien ». Alors la vitesse s'accélère, comme un mouvement final bien que nous en soyons à la pénultième plage, avec tout le déploiement de la grosse artillerie, orchestre et percussions omniprésents, blam ! blam !, les glaires mongoles s'emballent, une Dernière charge de la morve d'or aux couleurs légèrement emphatiques et qui fait penser à du Gregson-Williams classique, ni bon ni mauvais. Aussi trouvé-je bien meilleur le dernier morceau, Transgression (rien à voir avec Fear Factory), où des nappes aussi gaies que des couloirs high-tech vides et longs s'étirent indéfiniment derrière l'agitation de paroles anglo-saxonnes d'anonymes occupés, comme extraites d'un film où la terreur ne manquerait pas de poindre soudain pour mieux vous empoigner. Ce dernier titre est une véritable réussite !
La production d'ensemble est très maîtrisée et le savoir-faire absolument indéniable, sachant qu'à part la trompette, Cheerleader 69, s'occupe quasiment de tout sur ce Ghostriders in the sky rubicond. Petit reproche : les fins de morceau sont souvent très courtes, on en eût pu attendre un développement plus ample. Quant à la pochette rouge, enfin, elle est sobre et inspirée, mêlant pom-pom girls stylisées et manière soviétique, le tout finement lié par un reflet au sol du plus bel effet. Un album tout à fait recommandable, facile d'écoute, on ne peut plus varié, qui fait se transporter et peut plaire tout autant aux zélateurs de L'Apocalypse de Jean de Pierre Henry qu'aux fondus d'ambiances brumeuses et froides façon Cold Meat Industry ou Remain Silent.